Un travail de plus feat Alice Locke

 
Je marche rapidement en direction de la sortie du centre commercial, les yeux rivés au sol, perdues dans mes pensées. J'ai fais ce qu'on attendait de moi et mis les grands en contact. Et j'ai tenu le rôle de la gosse de service, celle qui essaye de donner des idées lors d'une discussion entre adulte et à qui on tapote gentiment la tête en souriant. Et pour cause, j'ai cumulé les gaffes. Je n'ai pas prononcé une seule parole qui permette de faire avancer les choses. Non mais qu'est ce que je croyais ? J'ai même regardé Andréas partir avec ces deux femmes, et j'ai senti mon cœur se serrer. J'ai fais mine de rien, mais je suis partie juste après lui, prétextant vaguement un autre rendez vous. Mais la vérité c'est que je voulais simplement me retrouver toute seule et ne pas me ridiculiser d'avantage. Alors je suis partie tête baissée à l'opposé du chemin qu'il a empreinté. Je dois absolument me sortir ce type de la tête. Il est là à me faire des allusions qui me font fondre et il se tire sous mon nez avec deux.... DEUX !!!.... Et elles, ce sont des femmes pas des gamines qu'on tapote sur la tête en signe d'encouragement. Des vraies femmes quoi. J suis sûre qu'elles sont coutumières de ce genre de scénario : un type beau comme un dieu, d'ailleurs cette expression a dû être inventée par une femme qui a rencontré Andréas, c'est sûr. Bref, suivre le beau gosse pour..... Et à 2.... Enfin 3...... Aaaaaaaaaargh. 

Je me précipite vers la sortie. Il est hors de question que cette situation dure plus longtemps Alice. Tu ne peux pas devenir complètement débile en sa présence et soupirer après un... Un queutard pareil. Je crois que c'est comme ça qu'on dit. Merde on le surnomme "appeles moi" , je ne peux pas.... Alice, tu ne peux pas t'intéresser à un dieu du sexe et de la guerre. Oublie le tout de suite. C'est un coureur de jupons super expérimenté qui change de femme plus facilement que de chemise, et toi t'es... Bah toi. Alors arrête de fantasmer sur le bad guy et achète toi un cerveau, il n'est pas pour toi. C'est un foutu don Juan qui va te briser le cœur. Il. N'est. Pas. Pour. Toi. Je me martèle ses paroles à voix basse sur le rythme de mes talons qui claquent sur le trottoir, encore et encore, comme un mantra. Je ne m'interromps que lorsque je rentre dans un mur qui sent le renfermé. Ah non pas un mur. Un gars. 

Et ben poupée, t'as l'air toute triste. Tu veux un peu de compagnie ?  

Je regarde le type, et mon radar à ennuis s'affole d'un coup. J'étais tellement perdue dans mes pensées que je ne l'ai pas vu. Machinalement je commence à bafouiller des excuses, mais je ne les fini pas, car je croise son regard. Je ne crois pas qu'il soit humain. Je recule de deux pas et me retourne pour me retrouver nez à nez avec un second type. Lui, je le reconnais, il faisait la queue au Starbucks derrière moi. 

On pourrait s'amuser tous les trois, qu'est ce que t'en dis? 

Je pensais que j'allais être paralysée par la peur. Je devrai être paralysée de peur. Mais, aussi étonnant que ce soit, ce n'est pas de la peur que m'inspire ses mots. Pas du tout. 

Mais c'est quoi votre soucis à la fin ? C'est d'être des hommes qui vous rend comme ça, ou juste le fait de ne pas être humain ? Vous pouvez pas faire les choses normalement, à deux, non, faut que multipliez les joueurs hein ? Deux nanas pour s'amuser, et deux mecs pour quoi ? Vous voulez quoi ? Me manger ? 

Si tu le proposes si gentiment...  

Oh flûte. Il a de supers grandes dents ce type. 

La scène qui se passe devant moi est surréaliste. Je viens d'être sauvée par la championne olympique du lancer d'ovni. D'un coup d'œil, je me rends compte que l'objet volant n'est pas non identifié. Mais totalement inattendu. Mince, ça doit faire mal! Elle me conseille de foutre le camp, mais pas trop loin. Mouais, je sais pas si je vais l'attendre, parce qu'elle ne m'inspire que moyennement confiance. C'est alors que mes deux ex harceleur prennent leur jambes à leur cou en hurlant à la tueuse. Peut être que le soucis avec les mâles de toutes espèces c'est les nombres pairs. Mais alors, la moitié de la population serait arithmophobe ??? C'est possible ça ??? Je sors de mes pensées quand la madame me parle. Oui, j'ai dis la madame. Faut dire qu'elle en impose. Grande, fine, belle, super balèze, un air badass collé à la peau. Elle me fait vachement penser à la sœur de Dakota. Enfin, l'uniforme de sécurité mis à part bien sûr. Je reste là, à cligner des yeux en la regardant, tandis que sa question se fraie un chemin de mes oreilles à mon cerveau.

Non, bien sûr que non. Mais t'as ce truc. Tu sais ? Enfin ça m'étonne pas que t'en sois une. Enfin j'crois. Ouais.

Mes derniers mots sont teinté d'amertume. Encore une fois, j'ai été un boulet. Une gosse. Un poids. La nana qu'on doit aider, pas celle qui aide. J'en ai marre, flûte à la fin ! Qu'est ce que c'est que cette journée de merde d'abord ? J'ai rien fais moi ! Sérieusement, j'ai fais partie de l'inquisition espagnole dans une vie antérieure et maintenant j'expie ma faute ou quoi ? C'est l'apocalypse et moi j suis juste inutile. Dans un film d'horreur, je suis le stéréotype de la nana qui meurt tellement vite que son nom n'est même pas au générique. Je sens les larmes de colère et d'impuissance qui ne demandent qu'à monter, et il est hors de question que je me mette à chialer comme une gosse devant une autre tueuse. Ou un autre démon. Ou un autre observateur. Ou un autre dieu. Parce que c'est la honte de faire ça devant lui alors qu'il est divinement grand, beau et fort. Je soupire. Qu'est ce qu'il est sexy. Quand il a approché sa bouche de mon oreille j'ai... non mais stop à la fin Alice arrête de penser à lui. Pense à autre chose. Tout de suite. Mais il sent quand même super bon ça devrait pas être permis, c'est ptet l'odeur de la divinité, mais divinité ou pas tu arrêtes, et pas plus tard que maintenant !!!! Bon tu comptes jusque 3 et tu arrêtes. Trois c'est même pas la moitié de ses abdos, alors ça va hein ! Hein ? Purée mais qu'est ce qui va pas chez moi ? Et depuis combien de temps la tueuse me regarde comme ça ? Elle a parlé ? Mince qu'est ce qu'elle a pu dire si elle a parlé ? Bon déjà je suis à peu près sûre que c'est pas "wow t'es trop forte je te veux dans mon équipe", mais ça laisse tout de même plein d'autres possibilités. Qu'est ce que je suis sensée dire ? Vite Alice dit quelque chose. Vite. Maintenant !!!!

Les hormones ça craint.

Sérieusement ??? Je claque ma main sur mon front et pousse un gémissement désespéré. Mais c'est pas vrai bon sang de bonsoir !

Je sais que c'est pas super évident, mais en temps normal j'suis pas aussi débile. J'pense que c'est bien de le préciser. Bon ben euh.... Ahem..... Merci beaucoup. Je dois.... Euh.... Y aller. Merci encore, et désolée pour le dérangement.

Mais aie-euh !!! Qui eut cru que se prendre un mur ferait aussi mal? Je ne comprends rien au déchaînement de violence qui vient d'exploser. La tueuse avait l'air de vouloir des réponses, alors qu'elle, au moins, semble savoir à qui elle a à faire. Et moi je reste là, pétrifiée, alors qu'un moine à grand couteau se précipite sur moi. L'amazone en face de moi réagit plus vite que moi, et je serais rassurée sur mon sort si seulement elle ne disait pas des choses sans queue ni tête. Le vent se lève autour de moi, faisant atterrir un emballage de burger sur mon visage. Super, mon pouvoir décide que c'est drôle de me rendre aussi aveugle que mes assaillants. Autant me tirer une balle dans le pied directement aussi ! Le temps que je l'enlève de devant mes yeux, j'entends le bruit sourd de membres qui s'entrechoquent. L'homme a côté de moi repousse un troisième méchant curé. Je me relève péniblement, les jambes tremblantes. Derrière.... Comment il s'appelle déjà... Ah oui ! Derrière Malcom, j'aperçois les deux démons de tout à l'heure. Ils ne sont pas partis comme je le croyais, non, en fronçant les yeux je peux vois que l'un est au téléphone tandis que l'autre.... Oh seigneur, l'autre est en train de.... Boire.... Au cou d'un homme d'une trentaine d'année. Il le jette au sol comme un vulgaire détritus. Je crois que ce vampire a tué le monsieur.

Je n'arrive pas à détacher mes yeux du corps. Je reste là, plantée, complètement sidérée par... Je viens d'assister à la mort d'un homme. Je ne suis absolument pas consciente de ce qui se passe autour de moi, du temps que ça dure où même des bruits. Je crois que je bouge, ou qu'on me bouge, mais je ne sais pas si c'est que je tangue ou si on me pousse. Mais soudain, à côté d'eux, arrivent d'autres méchants curés. Qui foncent droit sur nous. Le vampire hurle alors quelque chose que le vent, utile pour une fois, porte jusqu'à nous.

Éliminez la tueuse et l'homme. Ils veulent la fille vivante.

Les enfoirés. Qui qu'ils soient.

Une masse de robes noires fond sur nous. Ils sont une dizaine. Merde. On va tous mourir. Ah ben non pas moi, à moins que ce ne soit moi la tueuse ? C'est bien ce que je dis, la fille a ramener vivante c'est bibi. Je dois foutre le camp d'ici, et vite. Parce qu'il est hors de question que quelqu'un me mette la main dessus ce soir.
Sauf Andréas. Qu'est ce que j'aimerai qu'il débarque là maintenant, je suis sûre qu'il réglerai ça en deux coup de cuillère à pot. Oooh bon sang Alice sers toi de tes jambes et arrête de bailler aux corneilles. Enfin aux corbeaux si j'en crois le gros oiseau noir qui fait croacroa au loin.

J'arrive enfin à faire bouger mes jambes alors que Malcom se dresse entre moi et les méchants curés. Je crois qu'il hurle quelque chose, mais je ne comprends pas quoi. Je pivote sur mes jambes et m'élance afin de fuir ce combat dans lequel, ô surprise, je suis un boulet. J'ai parcouru quelques mètres à peine quand quelqu'un m'aggripe le bras, m'arrachant un hurlement strident.

Je ne comprends rien à ce qui se passe. Je me fais trimballer d'un endroit à un autre, acquiesce machinalement quand j'entends des voix, mais je ne comprends rien. Pendant longtemps. Je vis tout comme si c'était pas réel. Je vois les décors changer, j'entends des bruits, mais rien n'a de sens.
L'air frais fouette de nouveau mon visage. Je baisse les yeux. J'ai un taser dans mes mains. C'est marrant. Mes papas m'en avaient offert un peu de temps avant que je ne parte à la fac, pour leur tranquillité d'esprit soit disant. N'empêche, ils m'ont forcé à m'entraîner à l'utiliser. Ça, je sais faire. Ah ah !

Mac cri des choses à propos d'échelle, et mes jambes décident de m'emmener au bord du toit. L'amazone a disparue sous une montagne de méchants curés. Mes jambes décident alors de reculer, et bientôt je suis au milieu du toit, haletante. Mac est toujours au rebord, à essayer de.... Ben de faire des trucs. Un mouvement au coin de mon œil attire mon attention. C'est un reflet métallique. Mes jambes n'en font qu'à leur tête et me mènent vers ce reflet. Je vais les appeler Francis et Reese, comme les deux grands frères terribles de Malcom qui se mettent dans des situations merdiques à chaque épisodes de la série. J'ai le générique en tête depuis que j'ai appris le nom du Macguyver qui accompagne la tueuse. Je ne suis qu'à quelque mètres maintenant, et je peux identifier l'objet dont les reflets m'ont intrigués. Je connais cet objet. Il y en a trois autres à côté du premier, espacés de plusieurs dizaines de centimètres.

Comment ça s'appelle déjà ? Tandis que Reese et Francis changent encore une fois d'avis et me font reculer, mon regard ne quitte pas ces bouts de métal. Ils ont comme des griffes à leur bouts, et j'ai le nom du truc sur le bout de la langue, des...
Des grappins !!! C' est ça !!! Je savais que je connaissais ces foutus tr....
Oh merde. Des grappins. Une première main surgit sur le rebord du toit, suivie d'une capuche marron, d'un front tout blanc et de non yeux en croix. Une deuxième capuche. Une autre. Et la dernière. Et merde. Ils arrivent sur le toit.

J'ouvre la bouche pour hurler, mais aucun son ne sort de ma gorge nouée. Je sens une larme couler sur ma joue. Je vais mourir. Les méchants curés s'approchent de moi, et je me sens comme Frondon au Mont Venteux face au roi sorcier d'Angmar et ses acolytes. Décidément, j'ai trop regardé le Seigneur des Anneaux. Ils sont en demi cercle devant moi et ils avancent. Celui le plus en face de moi tend un gros couteau à lame courbe vers moi et fais un geste m'invitant à le suivre. Il est con ou quoi ? Superman et Batman, mes bras, choisissent ce moment là pour s'allier et tirer sur lui. Il s'effondre, secoue de spasmes, et le gros couteau lui échappe des mains. Mon pistolet électrique est vide, et il rejoint la dague sur le sol. Super, plus personne ne m'écoute et mes membres n'en font qu'à leur tête. Les trois méchants curés restants m'entourent, et se jettent sur moi. Mes bras s'agitent dans tous les sens, je suppose qu'ils essaient de me défendre, mais c'est très vite réglé.

L'instant d'après, je retrouve ma voix en un hurlement de douleur aiguë tandis que l'os de mon avant bras n'est plus dans mon avant bras mais en ressort gaiement. Un os, c'est pas fait pour être en dehors d'un corps normalement, si ? Je me rends compte que mon corps est au sol, mais bouge tout seul : on me tire par le dit bras cassé en direction des grappins. Ma main restante entre en contact avec un métal froid, et s'en saisi : c'est la dague du méchant que j'ai électrifié. Je remué frénétiquement la dague, et je sens qu'elle rencontre quelque chose qui visiblement est utile pour marcher, parce que le curé tombe. Je crois que c'était le talon d'Achille. Bien fait !!! Toujours en agitant la dague je recule en poussant sur Francis et Reese. Les deux bringers restants sortent leur dagues à leur tour.

Je dégluti fortement. Je suis foutue.

Je croyais voir ma vie défiler devant mes yeux. Je pensais que le temps ralentirai et qu'une musique s'élèverait dans l'air, un adagio pour cordes par exemple, comme celui d'Albinoni. Au lieu de ça, j'ai toujours en tête le générique d'une de mes (ex) séries préférées et je n'arrive pas à réfléchir. D'un coup, une douleur fulgurante me fait lâcher prise sur le couteau qui s'envole. Je ramène mes bras comme je peux contre ma poitrine et me fait la plus petite possible, recroquevillée en position fœtale. Je regarde ma main. Elle n'a pas l'air cassée.

Je rouvre les yeux. La douleur est toujours là, elle me ronge la main gauche et le bras droit. Je suis impuissante. Et je crois bien que je me suis évanouie quelques instants. Oh.... Là encore. J'oscille entre conscience et coma visiblement. Enfin je crois. Yes. No. Maybe. I don't know. Could you repeat the questiooooon .

J'ai les yeux ouverts, mais je ne vois rien. Je n'ai absolument pas conscience de ce qui m'entoure. Ce que je vois, c'est le monsieur qui tombe une fois que le vampire l'ai bu. C'est une chose de savoir que ces monstres existent. C'en est une une autre de les voir en action. Et ces méchants curés, qu'est ce qu'ils avaient contre moi ?

Une vague de nausée monte en moi, et j'arrive à me redresser sur un bras, puis à m'asseoir. Je tremble. J'ai mal au visage aussi, que n'a pas apprécié sa rencontre avec le mur. Ni celle avec le sol. Mes yeux sont gonflés, et la douleur se propage à ma tête qui me fait un mal de chien.

J'ai toujours ce fichu générique en tête. Je n'entends que ça. Est ce que je serais pas en état de choc moi ? Je sens quelque chose sur mon bras valide, je hurle et me débat comme je peux. Je crois que c'était une main. Ou un alligator pour ce que j'en sais, plus rien ne pourrai m'étonner après ça. Je regarde de nouveau mon bras, et je dois me rendre à l'évidence : ça n'a pas guéri comme par magie. Être surnaturel mon œil ouais ! Toute cette histoire, c'est n'importe quoi. Depuis le début c'est n'importe quoi. Ma vie est devenue du grand n'importe quoi. Je me sens comme à mon arrivée, quand je me disais que je devais être en train de faire un cauchemar. J'ai mis du temps à comprendre. À accepter. Des mois. Et là... Ça recommence. Pour qui je me suis pris hein ? Qu'est ce que je croyais ? Que je pouvais me mêler des histoires de grands avec des super héros trop badass alors que je suis moi ? Pffff.

Mon bras n'a toujours pas guérit. Ça me conforte dans mon idée. Je dois aller à l'hôpital. Et vite, avant de mourir d'une hémorragie. Et encore. On ne meurt pas d'une fracture. Ça me rappele un reportage que j'avais vu sur un alpiniste qui s'était cassé une jambe et qui était seul super loin du campement, et qui s'était dit que justement, on ne meurt pas d'une fracture, mais qu'on pouvait mourir de plein d'autres trucs en montagne. Et que du coup c'etait pas une raison suffisante pour abandonner. Et le mec était passé en mode warrior et avait rejoint son campement avec une seule jambe de fonctionnelle. Si lui il a réussi ça, je peux réussir à aller à me lever pour aller me faire poser un plâtre et administrer un peu de morphine.

Oh. J'suis debout. Oooh, ça tangue. Tiens, j'entends plus le générique de Malcom in the Middle. Non, j'entends le même bruit que ça fait quand on a la tête sous l'eau. Je vois toujours flou. Je crois que la tueuse et le GI Joe parlent, mais j'entends pas. Je hausse une épaule et, tenant mon bras blessé de ma main douloureuse qui a prit une très vilaine couleur violacé, je fais un pas en avant. OK ça tangue. Serre les dents et avance. Ah... Ma bouche forme des mots. J'en ai conscience parce que ca me fait mal à la tête. En revanche, je n'ai aucune idée de ce que ma bouche raconte. J'espère qu'elle parle de l'hôpital.

Respirer, ça devrait être facile. En fait, on ne se rend pas compte à quel point le simple fait de respirer nous est naturel. Un peu comme cligner les yeux. On le fait sans y pernser, c'est une sorte de mécanisme naturel. Et ben non en fait. Là je dois me concentrer pour respirer. Pas que ça me fasse mal. C'est juste que je suffoque. Je respire beaucoup trop vite, la bouche ouverte, je halète. La douleur à mon bras est insupportable. Je vais me noyer dans l'air que je n'arrive pas à respirer. Ce sera la mort la plus conne de toutes les apocalypses confondues.

Donc je suis là, à faire le petit chien avec ma respiration et à fixer mon os qui dépasse, quand quelque chose me fait quelque chose. Je ne saurai pas l'expliquer, mais il se passe quelque chose. Mes yeux quittent alors Nikos le Nonosse pour se poser d'abord sur Malcolm. Celui ci parle visiblement à la tueuse. Mon regard saute alors sur elle. Elle semble parler très très vite et dire tout plein de trucs, mais je suis toujours sourde, comme quand on a la tête sous l'eau. Elle est vachement flippante. Bon, le fait d'être couverte de sang n'aide pas : on dirait une actrice d'un film gore. Dans la pénombre de la nuit, elle ressemble à ces personnages qui s'échappent de chez le méchant qui voulaient les tuer. Je chancelle quand j'aperçois Monsieur Ødegaard dans l'ombre derrière elle. Il ne m'apparaît qu'une fraction de seconde, mais je le temps de voir qu'il a les yeux rivés sur la tueuse, et qu'il a l'air tout bizarre. Enfin plus que d'habitude. Mais il disparaît si vite que cela ne peut être que mon imagination qui me joue des tours. Qu'est ce qu'il ferait là ? C'est ridicule.

Preuve supplémentaire que j'ai pris un énorme coup sur la tête, c'est que je vois la tête du gros démon de tout à l'heure se pointer en haut de l'échelle. Pas du démon qui était avec le vampire qui a bu le monsieur, non. Celui qui avait l'air si antipathique pendant la réunion avec And... avec tous les autres. Mais qu'est ce qu'il ferait là hein ? Tiens, j'crois que j'me suis déjà posé la question y'a 2 secondes. Mais le corps du démon semble accroché à sa tête. Qu'est ce qu'il fait là ?

Attend Alice, c'est pas ça la vraie question. La vraie question c'est : qu'est ce que moi je fais là d'abord ? À traîner sur un toit rempli de cadavres ? Avec un os qui sort de mon bras ? Purée mais c'est quoi ce délire ? Je n'arrive plus à respirer.

Non, je ne rêve pas. Je n'hallucine pas. Je le sais parce que, alors que je suis là, en vie je ne sais par quel miracle, et que Drake arrive et parle de moi comme de la môme. La môme. On va finir par le savoir, que je suis jeune et que je ne sers à rien !
D'un coup, j'ai l'impression que la situation me tombe dessus. Comme ça. Toute entière. Heureusement que la honte ne tue pas, parce que je me mets à pleurer comme la gosse qu'ils disent que je suis. Je suis terrifiée, j'ai horriblement mal, on a voulu me kidnapper, et le seul que je voudrai voir débarquer est en train de... Le faire avec 2 nanas. Alors que moi j'ai juste envie d'un câlin de mes papas qui sont dans une autre dimension. C'est officiel, ma vie craint un max.

Tandis que je pleure et me lamente dans mon coin, j'entends la tueuse s'en prendre à Dakota, Drake supplier pour de l'aide et au final, la femme hyper badass dit que Dakota risque de tuer la gosse. Même elle s'y met. C'est un cauchemar. Soudain, rien n'est plus important que de me tirer d'ici, et de me retrouver toute seule, à l'abri avec mes papas, dans ma chambre de gosse justement. Mais à défaut, je veux rentrer chez moi et m'enfermer à double tour, seule, histoire de panser mes plaies. Je ne veux plus être ici. Je veux mes papas. Je n'en peux plus.

Je pleure de plus belle, inconsolable. Recroquevillée sur moi même, je veux juste un semblant de normalité. De sécurité. Ma vie d'avant. Je ne veux pas avoir failli mourir ce soir. Je ne veux pas. Le démon à mes côtés semble ne plus savoir quoi faire, et ce que je baragouine ne doit pas beaucoup l'aider. Mes phrases, que dis-je, mes mots sont entrecoupées de sanglots, j'arrive pas à parler tellement je m'étouffe, et je pleure à n'en plus finir. Je crois que je délire une chouille aussi, parce que je m'entend demander à ce que oui, il m'assomme et ne me réveille que quand je pourrai rentrer chez moi. Que je ne sais pas ce qu'il m'arrive, mais que trop, c'est trop. Que je veux rentrer chez moi. Retrouver mes papas, mes vrais papas, mon vrai monde, là où les dieux existent pas pour de vrai et ne sont pas des connards arrogants et sexy. Que je ne veux pas être un boulet, que même en tant qu'erreur de la nature j'ai que des pouvoirs de merde qui ne me font pas guérir, que je ne suis personne d'importante et que là vraiment ça va trop loin. Je démissionne voilà ! sont les derniers mots de ce monologue débile et stupide. J'aimerai me moucher, mais je ne peux pas me servir de mes mains de toute façon. Et m'en rendre compte, ça me fait pleurer encore plus fort.