Encore un nouveau monde

28 ème jour dans ce monde


Klaus, tu dois aller leur parler !

Je soupire en levant les yeux aux ciel

Naaaaan, ce que je dois faire, c'est avaler encore un peu de ça. 


Je me saisi d'une demi poignée de pilules que j'avale avec une gorgée de vodka. Ben me fusille du regard. 

Fais pas ça mec. Tu vas finir par te tuer.

Alors ce sera une chouette conclusion. Une peu ironique si on pense à toutes mes tentatives ratées, mais néanmoins appréciable. On meurt tous un jour, pas vrai Ben ?

Pourquoi faut-il que tu t'inflige ça encore et encore ? Merde reprends toi un peu ! Tu comprends pas ce qu'il se passe ? C'est l'apocalypse dehors !

Ça je l'ai compris y'a un moment. Dans tous les mondes, dans tous les temps, c'est l'apocalypse. Alors d'accord c'est pas un coup de Vania cette fois, mais ça change rien au fait qu'on va tous crever. Alors en attendant, tu permets que je profites d'un peu de répit ? On est plutôt bien installé ici, on peut en profiter...  

Ouais parles pour toi !

Mike ronchonne allègrement, mais je fais semblant de ne pas le voir ni l'entendre. Ben ne se laisserai pas avoir, mais Mike ne me connaît pas si bien, j'espère réussir à semer le doute en lui et le faire disparaître de ma vie. Je sais que je devrais être plus charitable envers lui. Ce mec est un brave type, sérieux ! Je loge chez lui, consomme sa drogue, ingurgite sa bouffe et dors dans son lit. Mais si je lui parle il va recommencer à me hurler dans les oreilles qu'il faut aller voir une certaine Faith pour lui parler d'une certaine Organisation je sais pas quoi... Absolument hors de question. Je préfère observer ma main qui ondule. D'ailleurs c'est le monde qui ondule. J'adore. Je tends l'ondulation et monte le volume de la chaîne hi-fi pour onduler en rythme. J'essaie de me perdre dans la musique et dans la drogue, et si je ferme très fort les yeux et que je ne pense ni à la guerre ni à Dave ni à la façon dont numéro 5 à foiré ni au fait que j'ai -encore- perdu mes frères et sœurs ni aux monstres inconnus que j'ai vu dehors ni au fait que je suis totalement paniqué, oui si j'arrive à ne pas penser à tout ça... Ben ptet qu'il se passe un truc cool, mais j'suis pas assez defoncé pour ça. Alors j'avale une autre rasade de vodka. Et encore une autre. J'ondule de plus en plus. Je fini par m'écrouler, seul, sur le sofa défoncé. Enfin seul. 

Toujours seul. Je me mets à pleurer comme un bébé, secoué par de gros sanglots inconsolables. J'ai peur, et je suis épuisé. Il y a tant de morts, tant de fantômes à ignorer dans ce monde. Et ces monstres... Ai début j'ai cru que j'avais définitivement abusé des hallucinogènes, mais Mike, puis Ben, ont confirmé : les vampires, démons et autres montres dignes des frères Grimm sont bel et bien réels. A cette pensée, je pleure encore plus. Quand j'ai fais la guerre c'était déjà un cauchemar, et c'étaient des combats d'hommes à hommes. Mais là... Des sorciers qui vous envoûtent et vous force à vous arracher le cœur ? Sérieusement ? C'est comme ça que Mike est mort. Des monstres qui vous dévorent. Des géants de pierres et de feu. Comment je suis sensé faire face moi hein ? 

Recroquevillé au sol, secoué de larmes, je fini par succomber à mon sommeil chimique, croyant entendre la voix de mon père qui me dit à quel point il est déçu de moi. 

32 ème jour dans ce monde

Parfois, la vie ne tient qu'à un fil. Qu'à un détail. Un petit rien. La mienne, en cet instant précis, ne se raccroche qu'à une seule chose : la cuvette des chiottes. Je vomis allègrement depuis des heures. Ben s'excuse à nouveau.

Désolée mon pote... Je savais pas que ça te rendrai malade

Non, tu t'es juste dis que violer mon corps passerai crème pas vrai ? On s'en fou de ce que ça fait à Klaus, ce n'est que son corps après tout.

Arrête de faire ta drama queen, c'était pas un viol, c'était...

Il marque une hésitation, l'air gêné.

Si t'étais moins borné aussi...

Moins borné ? Ben, je ne veux pas me mêler de cette histoire. Ça suffit, j'ai assez donné. Je ne vais pas écouter tous les fantômes qui passent et faire leur quatre volontés.

Mec on parle de sauver le monde

Mike nous interromps. Il est de moins en moins présent mais il est encore là de temps à autre.

Toi le mytho, tu veux juste revoir la petite brunette

Oui, aussi. Lui demander pardon et enfin pouvoir quitter le quartier. Allé, tu sera débarrassé de moi comme ça, et j'aurai pas à retenter de t'enfiler comme un gant

T'aurais pas essayé de m'enfiler comme un gant si Ben ne t'avais pas dis que c'était possible

Et je me suis déjà excuse pour ça Klaus !

Merde Ben, c'était de la trahison mon pote

Et je suis désolé, d'accord ? Je ne savais pas que ça ne marcherai pas avec lui

Oh allé, soit beau joueur Klaus

Un nouveau haut le cœur me secoue tout entier. Je déteste ce Mike. Je déteste ce monde. Mon regard se pose sur une bouteille de bain de bouche. Ça fera l'affaire. Je me relève, me rince la bouche, et bois cul sec le reste de la bouteille. Je me traîne dans le salon, et me jette sur la pipe à eau. Une fois intoxiqué, je me vautre sur le canapé, et essaie de penser clairement à la situation. Je ris, et me prépare un nouveau bang. J'ai besoin de motivation.
Quelques heures plus tard, le salon est méconnaissable. Il est rangé, propre, il sent bon, on ne croirai pas qu'un toxicomane y vit depuis un mois. Je sors de la douche, propre comme un sous neuf.
Je n'aurai jamais pensé que le ménage m'aiderai à me canaliser, et pourtant c'est le cas. Je me sentais nerveux, agité, et maintenant je me sens... Mieux. Je fouille dans mes poches, et trouve la carte bleu de Mike. Il est temps d'aller acheter de la vodka. De sortir d'ici. De me fuir un peu plus.

37 ème jour dans ce monde


Je marche dans le parc d'un pas nonchalant, un vague sourire aux lèvres. J'inspire à pleins poumons, et expire en une quinte de toux. Je me laisse tomber sur un banc en reprenant mon souffle. 
Ben est silencieux. Il marche à mes côtés, mais pour une fois il ne me piaille pas non stop dans les oreilles. Je regarde autour de moi. Il n'y a presque personne, ce qui n'est pas étonnant vu et l'heure et la situation alentour. Je veux dire toute cette ville sent la folie. Mais je devenais encore plus fou à l'intérieur. 

C'est dingue ce qu'il y a comme corbeaux par ici. 

Ben ne me répond pas immédiatement. Du coin de l'œil, je le vois planer jusqu'à l'un des piafs. 

Hey! Mais.... Klaus, cet oiseau me semble... Euh... Me voir?

En effet, le volatile suit mon ami du regard. C'est la première fois qu'un animal semble le voir, et ça le fascine assez pour l'absorber un moment. Il est assez morose lui aussi. Je crois que c'est parce qu'il se sent inutile, et perdu. Au moins autant que moi. Ce qui nous différencie au final, c'est son côté boy scout : Je n'en ai aucun. Je m'allume un cigarette et laisse mon regard divaguer. C'est alors que Ben attire mon attention, me demandant de le rejoindre en silence. 

Ben, je veux bien venir voir, mais tu ne me dit pas....  

La ferme Klaus

... De la fermer.  

Je rejoins mon ami, enfin, sa forme spectrale, et observe alors une jeune femme brune qui parle avec une autre nana, entourée de corbeaux, sous l'œil scrutateur de... Mike. 

Elle, c'est Faith. Klaus, désolé de te faire ce coup là, mais s'il te plaît, pour Mike, tu pourrais lui délivrer un message maintenant non ? Tu ne serai pas plus en danger et...

Mec sois cool, regarde la, on peut pas la laisser en plan. Si tu savais ce qu'elle a vécu à cause de moi...

Je n'écoute ni l'un ni l'autre, pour la simple et bonne raison que les filles ont disparues. Je les aperçois au loin. Là vache, elles avancent vite. Ou alors c'est moi qui suis au ralenti ? Mike disparaît à la suite des filles tandis que j'avance à mon rythme, avec Ben me motivant à chaque pas. Il ne veux pas me laisser l'occasion de faire demi tour, de changer d'avis, il veut juste que j'aille voir cette nana. 

Mec, ça sent le roussi, elles vont droit dans un piège. Ça va être vraiment, vraiment moche si tu ne fais pas quelque chose. Je t'en supplie Klaus, fais quelque chose. 

Je regarde Mike qui vient d'apparaître sous mon nez en clignant des yeux et manque de tomber à la renverse pour éviter de lui passer à travers. C'est alors que je vois les filles courir vers moi. Ben pourquoi elles courraient vers moi c'est bizarre ça c'est... 
Un gros monstre. Un super très gros monstre, en mode volcan ambulant. Je recule d'un pas, puis d'un autre. 

Klaus c'est le moment d'aller les aider là

je crois pas qu'elles aient besoin d'aide  

Là plus petite des filles à pris 3 bons mètres et c'est transformée elle aussi en volcan à pattes. C'est n'importe quoi. Je recule d'un second, d'un troisième, de plein de pas et commence tout simplement à courir dans la direction opposée de celle des monstres. 

Non Klaus !

Chantes toujours, moi je prends mes grandes jambes à mon si cher cou et je file aussi vite que je peux. Je me heurte à un homme et atterrit à ses pieds. Ce n'est pas un homme, ce n'est pas non plus une femme, c'est un putain de monstre. Je lâche un hurlement strident, et Ben apparaît, me hurlant de me concentrer. Je le fais sans réfléchir, et le démon est démembré par les tentacules de Ben. Ahuri, je me relève et cours sans m'arrêter jusqu'à chez Mike. 

38 ème jour dans ce monde

Noooon non non non non. NON 

Je bouge rapidement, faisant claquer les portes des placards de chez Mike. Y'a forcément une bouteille qui traîne... 

Klaus tu...

La la la la la la la la 

J'ignore royalement mon défunt ami et fouille sous l'évier en chantant à tue-tête. Je me redresse en me cognant la tête, mais avec une bouteille de Gin. Victoire ! 

Klaus ça suffit.... Arrête !

C'est ça cause toujours 

Non non et non, je ne t'entends pas Ben !

Je dévisse le bouchon et bois une grande rasade avant de me laisser tomber dans le sofa. 

Oh c'est un cauchemar, c'est forcément un cauchemar. Elle faisait 1 mètre 60 à tout casser, brindille et après... Ahahahahahah, après c'était un monstre de feu ahahahahahah 

Je me tord de rire, à bout de souffle, et descend la moitié de la bouteille cul sec. 

Klaus, il faut que tu...

Tadaaaaam tsam boum diiiheyyyyy, tadaaaam tsam boum diiiheyyy 

Je chante encore plus fort que je ris, et Ben baisse les bras, lassé. 

Il fait souvent ça ?

Tour le temps

Vachement mature

M'en parle pas

Je me roule un joint d'héroïne les mains tremblantes. 

Klaus déconne pas. Tu sais que c'est pas la solution.

Je l'ignore royalement, alors Ben continu à m'apostropher, je chante toujours, mais m'interromps de surprise à l'intervention de Mike. 

Fous lui la paix deux minutes. On le harcèle depuis que je vous connais ou pas loin, et ça donne déjà rien en temps normal. Alors là on s'attendait à quoi ?

Mike se met devant moi. 

Mec, t'as de la MDMA dans le tiroir du four si tu veux. Je penses que ça pourrait être plus cool que le truc que t'as préparé et qui....

Je ne l'entends plus, j'ai la tête dans le four. MDMA et héroïne, parfait putain. Je prend un cachet, allumé mon joint et me laisse glisser au sol, les genoux remontés contre ma poitrine. Je gémis doucement, la tête en arrière, les yeux rivés au plafond. Je frissonne tandis que les images du monstre qu'a écartelé Ben me reviennent en mémoire. Merde. Meeeeeerde. J'ai aucune chance dans ce monde. Je ris. Rien n'a de sens. Ce monde n'a aucun sens, c'est n'importe quoi. C'est trop compliqué pour moi. Bien trop. Alors je me lève et  lance la chaîne hi-fi, chantant à m'en casser la voix jusqu'à sombrer dans l'inconscience. 

61ème jour. 

Je te l'accorde, c'est plutôt agréable. 
Tu vois que ça ne t'as pas tué de venir.  
Pas encore. 
Arrête un peu tes conneries.
Toi d'abord. 
T'es vraiment un sale con
Non, pas un sale con, TON sale con. Celui avec qui ton cul spectral est coincé. 
Ça je ne risque pas de l'oublier.

Je donne un coup de pied dans le sable. Aujourd'hui, Ben et Mike ont insistés pour m'emmener en bord de mer, vers le domicile d'un des gars qu'ils s'amusent à suivre. Depuis des jours, ils me font des rapports sur ce qui se dit chez ces inconnus. Si au départ j'ai accepté de faire semblant d'écouter pour avoir la paix, j'admets que je me suis pris au jeu. Cette histoire est géniale. La fin du monde, des amoureux désemparés, des méchants très méchants, des gentils trop zarbis.... Ils sont revenus ce matin surexcités, m'expliquant que les gros monstres qu on a vu la dernière fois, ben y en avais une cinquantaine, et que dans le groupe qu'ils veulent intégrer il y a leur roi, qui vient de se faire larguer et qui s'est engueulé avec Roméo et Juliette. Et je ne sais comment, je me retrouve à arpenter une plage. Et étrangement, ça me fais vraiment du bien. Je me force à inspirer, me met face à l'océan et écarte les bras, hurlant face à l'infini bleu. Mes cheveux et ma chemise ondulent autour de moi. L'air sent le sel et le soleil. Et aucun monstre à l'horizon. Ben est parti fouiner, me laissant seul avec moi. Je m'assois et m'allume un joint d'herbe. Je n'ai pas touché à de la dure depuis 6 jours. 6 putain de jours d'enfer. Vous n'imaginez pas le nombre de fantômes qui traînent à New-York. Mais je parviens enfin à trouver un équilibre : sobre, je les vois tous et je ne peux pas gérer. Ben et moi travaillons la dessus, mais il est plus facile pour moi de m'aider encore un peu avec la fumette et l'alcool, et d'y aller crescendo. C'est aussi plus simple au niveau de ma désintox. Je reste là, à tenter de maîtriser mes tremblements et tire comme un fou sur mon joint. Le temps passe. Les tremblements s'estompent. Je me remémore les exercices de respirations du maître yogi qui avait intégré Les enfants de la destinée. Quelle arnaque ! 

Tu vois le salon de jardin là bas ?

Je sursaute en lâchant un cri. Je ramasse l'oreillette tombée sur le sable et la remet à mon oreille. Figurez vous que parler seul dans la rue peut vous valoir un séjour en psychiatrie. Mettez une oreillette et personne ne peux vous accuser de divaguer. Je m'assied dans la direction que m'indique Ben. 

Ouais. 
C'est là que crèche le frère de la tueuse.
Arizona?  
Non
Euuuh... Minessota?  
Dakota
C'est ce que je disais 
Il n'est pas seul
Le veinard 
Nous n'avons pas encore beaucoup d'information sur le couple qui est chez lui.
C'est qui la p'tite brune ?  
C'est Alice
Aaaaah elle fait quoi elle ?  
ça on le saura ce soir. Mike est là bas
Je le vois j'te rappelle. Même qu'il me fait coucou 
Non, il te fais un bras d'honneur
C'est ce que je dis 
C'est pas un mauvais gars.
Si tu le dis  

Je détourne mon regard de la petite brune, et me lève, décidé à repartir. Alors que j'inspire longuement, main levées au ciel, un bruit venant de la terrasse attire mon attention. 

Ooooooooh mamaaaan regardez moi ça... Mais il est... Mmmm... magnifique !  

Je fond littéralement devant le grand blond torse nu. De là où je suis, je devine qu'il est musclé. Il a sûrement des abdos en béton, des tablettes de chocolat à croquer. 

Sois discret Klaus
c'est mon deuxième prénom. 
Tu baves
C'est la chaleur  
Tu m'en diras tant
La ferme Ben  
Nous pensons que c'est à lui que tu dois aller parler en premier
Non. Non non non. Alors c'est ça ton plan ? Tu me montres le mec canon et tu penses que je suis tellement superficiel que ça va me convaincre d'aller lui parler ?  
Non imbécile, c'est le moins susceptible de te casser la gueule quand tu lui diras que tu communiques avec les morts.
On s'est mis d'accord. Tant que je n'aurais pas toutes les infos qu'il vous est possible d'obtenir, je n'interviendrai pas 

Tandis que le grand blond disparaît à l'intérieur de la maison, je croise le regard de la petite brune, et je me mets en marche pour rentrer chez moi. 

Tu crois que je ne sais pas à quoi tu joues?
Quoi tu me surveilles aussi quand je joues à Candycrush ? 
Tu n'as aucune intention de nous aider.
Qui moi ? Là vraiment tu me vexe, on se connaît depuis toujours et tu n'as toujours pas confiance en moi, c'est ça ?  
Je te connais. Tu vas me dire que je me trompe ?
Absolument pas. Mais c'est quand même super vexant. 
Cause toujours Klaus. Je te connais je te dis. Tu finira par lui parler
Et qu'est ce qui te rend aussi sûr de toi ?  
Toi. T'es un gentil au fond Klaus
Ça c'est vrai. J'suis un véritable amour.  
Tu voudras aider
Si cette pensée t'aide à dormir la nuit, alors accroche toi y !  
Tu verras.